J'ai commencé ma vie de maman assez abruptement. Mon premier bébé était prématurer. J'ai passé la première année de sa vie à courir les rendez-vous médicaux, soit le CLSC, soit le pédiatre, soit un spécialiste d'un des nombreux mini troubles qu'elle avait. Je navigais à travers ça avec un bébé qui ne savait pas boire et qui ne reconnaissait pas sa faim. Je devais mettre des alarmes pour la nourrir, sinon elle ne demandait pas de boire. Lorsque je lui donnais du lait, par contre, elle buvait à vomir. Elle avait beaucoup de reflux gastriques et ne dormait JAMAIS. Elle était adepte du powernap et demandait à être collé à moi en tout temps. Elle pleurait constamment, c'était ce qu'on appelle un B.A.B.I. . Puis est venu le temps de commencer à manger. Les textures, les nouvelles saveurs, rien ne passait. Je passais tout mon très peu de temps libre à chercher sur Pinterest des trucs pour faire manger les tout petits. Avec beaucoup d'acharnement, je réussissais à lui faire avaler des trucs et à la sortir de ses bouderies alimentaires, un bout de fromage à la fois. Ironiquement, depuis cette année, cet enfant n'aime plus le fromage, mais ça, c'est une autre bataille.
Puis elle a eu 2 ans et j'ai passé l'année entière assise par terre à gérer des larmes à en plus finir. Elle était si brillante, si allumée, si extraordinaire, mais vivait tous ses émotions à 100 miles à l'heure. Donc on avait de très gros excès de joie et de très gros excès de peine. Il y avait toute sorte de petites surprises qui popaient, comme la fois où elle a pris conscience que les pipis dans le bain ne disparaissaient pas, ça reste dans l'eau. J'ai dû trouver une solution, parce que les bains, c'était terminé pour nous. Déjà que ce n'était pas génial. On me disait toujours "ah c'est bien drôle! Mon enfant n'a jamais fait ça." Mais selon le pédiatre, tout était normal. Un jour, vers ses 2 ans et demi, j'étais dans la cuisine, elle est venue me voir et m'a dit "j'ai faim." Ce jour-là j'ai pleurée toutes les larmes de mon corps. C'était la première fois qu'elle reconnaissait sa faim et demandait de la nourriture. Ce moment est gravé dans ma mémoire à tout jamais, c'est banal pour certains, mais pour moi, c'était un moment extraordinaire. Malgrée qu'elle parlait super bien depuis ses 10 mois, elle n'avait jamais encore exprimer le besoin de nourriture.
Les sorties étaient assez spectaculaires. Mon enfant, c'était celui avec la grosse énergie. Elle était très hyperactive, c'était un challenge de l'amener quelque part. Mais elle adorait les sorties, alors on continuait. Mais j'étais la maman qui faisait 238 rappels. Still is, by the way. Elle parlait sans arrêt et elle est franchement hilarante et passionnante à écouter! Mes amies me disaient avoir hâte que leurs enfants leur disent des choses comme ça aussi, mais finalement, ils ne l'ont pas fait.
J'ai passé des années sur Pinterest, toujours à la recherche d'idées d'outils pour aider ma fille avec ses petits défis du quotidien. Alléger mes journées avec des pictogrames pour l'aider à devenir plus autonome, à rendre tout un peu plus facile. J'ai adapté notre vie à sa personalité. J'avais un enfant extraordinaire qui rencontrait des défis hors de l'ordinaire. J'ai eu beaucoup de "Il faut que tu arranges ça avant sa rentrée à l'école." ou des "Tu ne dois pas laisser ça aller, elle va rester pogner avec des tics". Beaucoup BEAUCOUP de jugements sur ma parentalité. J'ai lu TOUT les livres innimaginable sur la petite enfance. Je me suis constamment remise en questions, j'étais tellement toujours jugée et critiquer. Je suivais mon instinct et mon instinct me disait que je faisais les bonnes choses avec ma fille, elle s'épanouissait vraiment.
Pendant la pandémie, mon papa a fait un infarctus, j'ai eu un deuxième bébé et ma grande est entrée à l'école. Soudainement, notre monde s'est complètement écroulé. La vie tel que nous la connaission s'était éteint. Nous devions rebâtir notre cocon familial et réapprendre tout à zéro.
Le mot Autisme venait de faire une entrée fracassante dans nos vies.
Je me souviens d'être entrée à la maison, d'avoir regarder ma fille et d'avoir vu l'autisme pour la première fois. Soudainement, c'était là, c'était clair et je me suis demandé comment se fait-il que je n'ai rien vu. J'avais l'impression de ne pas connaître mon enfant. D'avoir passé 5 ans et demi à aimer un enfant de la mauvaise façon. J'avais fait tellement d'erreurs. Au fur et à mesure de mes lectures, j'ai réalisé que finalement, j'avais fait beaucoup de très bonnes choses par instinct.
Un soir, je me suis assise avec elle et je me suis excusée. Je lui ai dit qu'il y avait beaucoup de moments dans sa vie où je l'ai puni injustement où j'ai mal réagi, parce que je ne connaissais pas l'autisme et que je ne comprennais pas comment son cerveau fonctionnait à ce moment-là. Je lui ai demandé pardon et lui ai promis que j'allais faire tout en mon pouvoir pour ne pas refaire les mêmes erreurs. Je lui ai expliqué que j'allais continuer de faire des erreurs, mais chaque fois nous allons apprendre et grandir de ça et nous ajuster. Et que j'allais toujours me battre pour elle.
Cela fait maintenant 3 ans que nous navigons dans la vie avec le Trouble du Spectre de l'Autisme, à ça s'est ajouté d'autres diagnostics, dont l'hypersensibilité de ma plus jeune et le fait que nous avons, nous-mêmes plusieurs de leurs caractéristiques et donc diagnostiques. Ma plus grande a beaucoup maturé; même si elle a encore beaucoup de défis, je continue de passer mes soirées à confectionner des outils au fur et à mesure de ses demandes et de ses besoins. Elle a beaucoup grandi et apprend à connaître comment fonctionne son cerveau. Elle est toujours aussi extraordinaire.
Depuis l'annonce du TSA j'ai compris plein de trucs qui étaient étranges et que je ne comprenais pas avant. Tout fait tellement plus de sens maintenant, et je la comprends beaucoup mieux. Notre cocon familial s'est reconstruit de façon différente, mais beaucoup plus fonctionnel.
J'ai appris à mettre des limites claires pour le bien de notre famille. Comprendre ce que nos petits cocos sont capables de supporter, à quel niveau et combien de temps. Comprendre ce que JE suis capable de faire. Organiser notre vie et notre temps en fonction des besoins de chacun des membres de notre famille. Trouver toujours des solutions pour avoir une vie la plus normale possible, mais à notre façon.
J'ai appris à dire non aux activitées qui pourrait dégénérer si je suis seule avec eux. C'est parfois difficile à comprendre pour mes amies qui n'ont jamais vu deux enfants neurodivergents se désorganiser en même temps et avoir besoin d'être isolés l'un de l'autre pour se réguler. C'est quelque chose que je ne peut pas faire sans mon conjoint, qui sait exactement quoi faire. Alors je passe mon tour ou je prends note de faire l'activité avec notre cocon familial, dans un moment opportun et des outils "au cas ou".
Chaque année par contre, nous vivons de petites avancées et de petites victoires parce qu'on s'ajuste et on trouve des solutions pour adapter les activitées à nos besoins.. J'avoue parfois envier mes amies qui sont capables de faire certaines sorties que je sais que mes enfants ne peuvent pas faire. Un jour ça viendra, ou pas! Et c'est correct. Mes enfants deviendront des adultes fonctionnels et autonomes un jour. Je sais que je suis très chanceuse, qu'il y a des familles pour qui ce n'est pas le cas.
Depuis le début de ma maternité, on me dit ne pas savoir comment je fais, que je suis bonne, que si c'était eux, ils ne savent pas s'ils seraient capables. Que la vie nous donne seulement ce qu'on est capable de prendre, et c'est pourquoi j'ai la force de faire ce que je fais tous les jours.
Mais je crois que ce n'est pas une question d'être capable ou pas, la vie nous lance toujours des défis et tout le monde est capable de passer au travers, parce qu'on n'a pas vraiment le choix. On doit se lever et continuer. On a tous la force en soi de le faire. Je ne crois pas être "plus capable qu'un autre", c'est simplement que je me suis habituée à cette vie là et que j'essaie qu'elle soit la plus douce et la plus belle possible. On a de très belles journées et d'autres journées où on se dit "ben coup donc hein! on fera mieux demain!". Beaucoup de "oupelaille! j'pense que ça c'était trop, la prochaine fois on ajustera ça!".
Et ça, je crois que c'est universel à tous les parents, peut importe le défi. On fait tout du mieux qu'on peut.
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